Le feuilleton de l'automne 7: Y'A QU'À FAIRE COMME DIT MONSIEUR BOUYGUES


Rouvrons d'abord une parenthèse:  en 2005, à la demande expresse de Dominique Dord, Jacques-Pierre Philibert, expert en estimations immobilières auprès de la cour d'appel de Chambéry a estimé que les Anciens Thermes avaient une valeur vénale de 4,6 millions d'euros.

2 900 000 € + 1 700 000 €
= 4 600 000 euros
Ce n'est pas sur un coup de dé ou au doigt mouillé que M. Philibert avait réalisé cette estimation mais après des réunions sur site, des visites détaillées des lieux, des recherches à l'aide de documents indispensables à sa mission et trois mois de réflexion. A l'issue de quoi, après avoir procédé à des décotes et autres pondérations pour minorer le prix (tous ces détails figurent dans son rapport) il était arrivé à cette valeur de 4,6 millions d'euros. Bien que a minima, ce résultat n'avait été contesté par personne.
Refermons la parenthèse et revenons en des temps plus actuels.

Un nouveau jeu: le "Bouygues-a-dit"

La France est un pays de fonctionnaires d'Etat d'une grande valeur et d'une parfaite intégrité qui sont là pour défendre l'intérêt public. Parmi ces fonctionnaires, il y a ceux des Finances et notamment ceux qui sont chargés  d'évaluer les biens immobiliers publics avant toute cession. On les appelait jadis les Domaines et depuis 2016 ils sont devenus la DIE, Direction Immobilière de l'État. La DIE est constituée de fonctionnaires bien payés et spécialement formés pour estimer au mieux la valeur d'un patrimoine public avant qu'il ne soit cédé au privé. Leur avis préalable à toute cession est indispensable.

Le 21 Juin 2016, 
en vue de vendre les anciens Thermes, Dominique Dord sollicite donc l'avis obligatoire des Services fiscaux.
Ça ne traîne pas. Dès le lendemain, 22 juin 2016, les fonctionnaires d'État lui répondent que la mairie peut vendre les Anciens Thermes au prix de 1,2 million d'euros. C'est le quart de la valeur vénale estimée dix ans plus tôt par le premier expert mais cela ne surprend personne. Même si, en contrepartie de ce prix de vente, la mairie doit s'engager à réaliser pour 0,5 million d'euros de travaux dans les lieux avant que l'acquéreur n'en prenne possession et finalement n'engrangera que 0,7 million d'euros. Ce n'est pas important.

Deux ans plus tard, l'affaire n'a toujours pas été conclue. Bis repetita placent, le 25 avril 2018 Dord sollicite une nouvelle fois la DIE qui lui répond dès le lendemain 26 avril. La donne a un peu changé puisque ce n'est plus un demi million d'euros de travaux que la Ville doit réaliser avant la cession mais trois millions et demi. Toutefois, imperturbables, les fonctionnaires des Finances autorisent le maire à vendre à perte en confirmant la valeur de l'immeuble à 1,2 million d'euros. Vendre un bien public en perdant encore d'avantage d'argent, cela ne dérange toujours personne.

Il y a bien un principe constitutionnel intangible qui
"s'oppose à ce que des biens ou des entreprises faisant parties de patrimoines publics soient cédés à des personnes poursuivant des fins d'intérêt privé pour des prix inférieurs à leur valeur" mais personne n'a semblé en tenir compte.

Reste la question essentielle: comment des fonctionnaires d'État, rompus à ce genre d'exercice, formés à la rigueur comptable et intellectuelle, ont-ils pu estimer un immeuble à un prix quatre fois moindre qu'une évaluation réalisée, avant d'importants travaux, par un expert immobilier incontesté? Oui, comment?

La réponse nous a laissés sur le cul: tout simplement parce que les fonctionnaires d'Etat n'ont jamais évalué le bien vendu. Non. Ils ont juste émis un "Avis" sans même prendre la peine d'une simple visite sur place qu'ils ont déclarée "sans objet". La preuve:



Du coup on se pose une autre question. En l'absence d'une visite sur place "sans objet" à partir de quelle base les Services fiscaux en juin 20016 et en avril
2018 ont-ils conclu que les Thermes ne valaient pas plus que 1,2 million d'euros?
La réponse figure en toutes lettres dans leur "avis": parce qu'ils ont appliqué "la méthode du bilan promoteur".



C'est expliqué ainsi dans l'avis du Domaine"la méthode du bilan promoteur" consiste, pour un promoteur, à calculer combien il doit payer un investissement foncier s'il veut en tirer un maximum de bénéfice à l'issue de l'opération immobilière projetée. C'est donc une méthode qui ne prend en compte que les intérêts de l'acquéreur et pas ceux du vendeur. C'est pourtant cette méthode que les services des Domaines ont reprise pour fixer la valeur des anciens Thermes.

En d'autres termes, le promoteur Bouygues a dit
"si je veux gagner plus d'argent en rachetant les anciens Thermes, il faut que je les paie à tel prix" et les fonctionnaires d'État, formés et payés par les contribuables pour "estimer" à leur juste valeur les biens publics ont dit: "Okay, vous n'avez qu'à faire comme dit le promoteur".

Et tant pis si ce prix de vente se conclut, au final, par un solde largement négatif pour la collectivité publique.

C'est vraiment à se taper le cul par terre!


(à suivre...)