Mes biens chers frères:
La nouvelle est tombée hier et elle en a laissé plus d'un sur le cul saint siège. Dans l'affaire du financement illégal de la campagne électorale de Sarkozy, dite affaire Bygmalion, un juge d'instruction aurait prononcé le renvoi de quatorze personnes devant un tribunal. Quatorze personnes mais pas le trésorier de l'époque, celui qui était censé tenir les comptes du parti UMP. D'après les listes publiées par la presse nationale, notre frère Dominique Dord échapperait à la convocation devant les juges. Alléluia. C'est un miracle. Un miracle ?
Oui, et même un tel miracle qu'ici, encore tout tourneboulés par cette nouvelle, on s'empresse de venir présenter, non pas nos excuses les plus plates comme de vulgaires Fillon, mais les sentiments les plus profonds de notre admiration. Et même de notre dévotion. On commence maintenant à comprendre pourquoi, dans son hagiographie réalisée par son premier servant, le Saint Homme avait tenu à se faire représenter en aube blanche immaculée et portant sa croix autour du cou. Inclinons-nous et prions:
Photo extraite de la biographie (qui devient aujourd'hui une hagiographie?) de Dominique Dord écrite par un certain Madani à la veille des municipales
Bon, redevenons sérieux.
Et rappelons que parmi tous ceux qui risquent de se retrouver un jour (?) devant un tribunal, on compte des salariés de l'ex-UMP dont une au moins était directement sous les ordres du trésorier Dominique Dord et échangeait régulièrement avec lui, soit directement, soit par mails. Une salariée qui lui demandait l'autorisation d'utiliser, ou pas, sa signature électronique.
Alors à quoi tient le fait que Dord a échappé à l'opprobre qui s'attache (parfois à tort) à ceux qu'un juge renvoie devant une juridiction?
On peut avoir une première explication si l'on considère que sur les deux juges qui ont instruit cette affaire, un seul à signé l'acte de renvoi. Il se dit, dans les couloirs de la justice, que les deux juges en question étaient en total désaccord sur la marche à suivre au point, dit-on encore, qu'il ne se parlaient plus et ne se saluaient plus. Etonnant, non?
Il se dit aussi que l'absence de signature d'un des deux juges va permettre aux "renvoyés" de faire appel de la décision du juge unique. Il se dit enfin que, en raison de l'absence de la signature d'un des juges, cette procédure d'appel pourrait durer des mois, voire des années, voire conduire à l'annulation du renvoi.
Et puis il ne faut pas oublier qu'à la différence de ceux qui ont été "renvoyés" par le juge, Dord, lui, n'avait jamais été mis en examen mais entendu en qualité de "témoin assisté". Et il y a une différence entre les deux situations. Une personne mise en examen peut se taire, voire mentir, car chaque parole prononcée devant un juge peut être retenue contre elle. Le témoin assisté, lui, est dans une situation à la fois plus confortable mais aussi plus embarrassante. A tout moment le juge peut le faire basculer d'un côté ou de l'autre, soit la mise en examen soit le non-lieu. Un témoin assisté peut donc parfois trouver intérêt à se montrer compréhensif, à coopérer, on n'ose dire à collaborer, si il estime que cette attitude va lui valoir la mansuétude du juge qui l'entend.
Rappelons aussi que Dord est, en quelque sorte, à l'origine de l'affaire puisque c'est après ses déclarations sur "les amis de Copé qui se seraient gavés lors de la campagne électorale" que tout a commencé. A l'époque Dord réglait ses comptes avec JF Copé et s'apprêtait à lâcher Sarkozy pour aider Fillon dans sa conquête du pouvoir. Ce contexte-là mérite aussi qu'on ne l'oublie pas trop vite.
En attendant, si D. Dord a bien bénéficié d'un non lieu, cela signifierait qu'un des juges aurait estimé que l'on peut être le trésorier d'un parti qui a participé à un financement illégal de campagne électorale et être en même temps aussi innocent que l'agneau qui vient de naître.
Et ça, si ça ne relève pas du miracle, ça tient à quoi ?
Hein ?
* Saint Innocent, en référence au nom de la commune de la gentilhommière où réside l'ex-trésorier de l'UMP