Laurent WAUQUIEZ, le président LR (ex-UMP) de la région Rhône-Alpes-Auvergne... a suscité un sacré tapage, ces derniers jours, en installant une crèche de Noël à l'Hôtel de région, un bâtiment public où la neutralité devrait pourtant être de mise. En agissant ainsi et en croyant renforcer la position et l'influence des Chrétiens de France, il est tombé dans le piège du Conseil d'Etat, plutôt favorable aux Frères musulmans, comme l'a expliqué Eric CONAN, ci-dessous, dans Marianne en ligne du 20 novembre dernier :
Le Conseil d'Etat et les ravis de la crèche
Les juges se moquent d'eux et ils sont contents. Les élus catholiques qui ont obtenu l'autorisation d'installer des crèches dans les mairies sont tombés dans un double piège. D'abord, accepter de reléguer la Nativité au rang de «symbole festif et folklorique» : la foi chrétienne assimilée au paganisme du Père Noël, du sapin et de la bûche ! Ensuite, faciliter la politique du Conseil d'Etat qui n'a de cesse, depuis trente ans, de vider la laïcité de son sens au profit du multiculturalisme.
La question des crèches ne posait aucun problème en droit. La loi de 1905 est limpide : son article 28 interdit «tout signe ou emblème religieux sur les monuments publics». La jurisprudence a appliqué cette règle pendant un siècle. Et après une enquête auprès de ses 36.000 membres, l'Association des maires de France a rappelé l'année dernière que l'installation de crèches dans les mairies «n'est pas compatible avec la laïcité et la neutralité du service public». Elle ajoutait regretter que l'activisme des juges aboutisse à des jurisprudences contradictoires «nuisant à la compréhension de la règle par les élus et par les citoyens».
Le Conseil d'Etat cherche à détruire une vraie tradition laïque avec l'aide d'idiots utiles qui inventent une fausse tradition chrétienne. La floraison des crèches en mairie est récente. Celle de Béziers correspond à l'élection de Robert Ménard. Celle de Montiers, dans l'Oise, remonte à 2008. Une des plus anciennes, à La Roche-sur-Yon, en terre vendéenne, date de 1989, année où Lionel Jospin cède face au voile à l'école. Ces installations religieuses dans des bâtiments publics ne sont pas tradition mais réaction : voyant des élus clientélistes multiplier les fêtes musulmanes dans leurs mairies, des militants catholiques ont cru bon d'exiger les mêmes atteintes à la laïcité.
Un réflexe militant galvaudant la Nativité, cœur du christianisme : Dieu fait homme. Et d'abord petit enfant sur la paille. Il n'y a que deux endroits adéquats pour la crèche : les foyers et les paroisses. Ceux qui veulent la voir feraient mieux de remplir ces églises ouvertes à tous mais qui se vident et que des imams proposent de transformer en mosquées. Et ils devraient se souvenir que l'Eglise a longtemps lutté pour distinguer le Noël religieux du Noël païen, survivance des fêtes saturnales du solstice d'hiver récupérées par le consumérisme. En 1951 encore, à Dijon - dont le maire était le chanoine Kir -, un Père Noël était brûlé aux grilles de la cathédrale devant les enfants du patronage tandis qu'une fête en son honneur était organisée à l'hôtel de ville...
Alors que l'Eglise, non consultée, ne le réclame pas, l'accueil au nom du «culturel» d'un symbole cultuel catholique dans des bâtiments publics sert au Conseil d'Etat à valider les atteintes à la loi de 1905 qu'il approuve de plus en plus au profit de l'islam, au nom d'un multiculturalisme dont il est un des principaux vecteurs en France. Le Conseil d'Etat a accepté la polygamie en 1980, avant que Charles Pasqua ne l'interdise par une loi en 1993. Il a autorisé le voile à l'école, dans un avis au gouvernement en 1989, mais surtout en assumant de transformer les principes de la laïcité pour en faire le cadre de l'expression religieuse dans un arrêt de 1992 désavouant Ali Boumahdi, principal du collège Jean-Jaurès de Montfermeil, qui avait exclu trois jeunes filles voilées intimidant leurs camarades. Le Conseil d'Etat s'est opposé à la loi de 2004 prohibant les signes religieux à l'école tout comme à la loi de 2010 interdisant la burqa.
Dans ces deux cas où le gouvernement et le législateur ont fini par assumer leurs responsabilités, le Conseil constitutionnel les a approuvés en désavouant le Conseil d'Etat.
Mais ce dernier persiste. Il organise en 2011 une conférence de presse pour annoncer plusieurs arrêts de jurisprudence contraires à la loi de 1905 en autorisant le financement public de lieux de culte au nom du «culturel» et, encore plus fort, le financement public d'abattoirs rituels dont l'existence constitue déjà une dérogation aux règles française et européenne. En 2013, il revient sur la circulaire Châtel de 2012 approuvée par Vincent Peillon interdisant le voile aux accompagnatrices de sorties scolaires. Cette fois-ci, le débat sur les crèches a fortement divisé les juges, une partie d'entre eux estimant que leurs collègues dépassaient les bornes en écrivant noir sur blanc que voir dans une crèche «la représentation figurative d'une scène fondatrice de la religion chrétienne» constituait une «erreur de droit» !
En obtenant du Conseil d'Etat de christianiser les bâtiments de la République et en concourant ainsi à son activisme multiculturaliste, les militants catholiques font preuve de grande naïveté. Ils ne voient pas que la laïcité traditionnelle, arrangement public au sein d'une société de culture chrétienne, protégeait plus le catholicisme que cette laïcité d'accommodement à un islam sûr de lui et dominateur. Il est étrange qu'un militant aussi averti que Philippe de Villiers, promoteur des crèches dans les mairies de Vendée, manque à ce point de sens politique en se réjouissant d'une décision qui ne les a pas autorisées pour «affirmer les racines chrétiennes de la France», comme lui le réclame, mais pour le droit de toutes les religions à réinvestir tous les espaces protégés, de l'école aux services publics. L'enthousiasme de Tariq Ramadan aurait dû l'alerter.
Que dira Philippe de Villiers quand on lui demandera, en vertu du principe de non-discrimination, d'installer à côté du petit Jésus la figurine musulmane de l'archange Gabriel, messager d'un Coran qui considère le Christ comme un prophète d'Allah n'ayant jamais été crucifié, au contraire de ce que racontent les Evangiles mensongers des «falsificateurs» ?
Il est à noter que certains imams de la région chambérienne, très populaires auprès des nombreux jeunes qui fréquentent leur mosquée, se réclament ouvertement et publiquement des idées de Tariq RAMADAN !