Il s'appelle Franck Attal. Il a été mis en examen dans l'affaire improprement appelée Bygmalion. Il n'a plus rien à perdre.
Aussi il a vidé son sac. D'abord devant les juges d'instruction. Puis devant les caméras de l'émission Envoyé Spécial. Ce qu'il raconte est simple. Sa société de communication (Event, filiale de Bygmalion) est chargée en début 2012 d'organiser les meetings de Nicolas Sarkozy pour la présidentielle. Il va y en avoir ainsi une bonne quarantaine, dans toute la France métropolitaine et en Outre-Mer. L'entourage du candidat ne regarde pas à la dépense, ce qui inquiète les comptables chargés de présenter le compte de campagne du candidat. Très vite chacun s'aperçoit qu'au rythme qui a été pris, les frais vont faire exploser le plafond de 22 millions d'euros autorisés. Mais il n'est pas question d'arrêter pour autant. Attal explique qu'au mois d'Avril une réunion se tient au siège de l'UMP, rue de Vaugirard. Il affirme que ce jour là les responsables de l'UMP ne lui ont pas laissé le choix, soit il ne sera jamais payé, soit il accepte de dispatcher les factures des meetings, 15% sur le compte de campagne, 85 % sur le compte de l'UMP. Attal explique que pour permettre à l'UMP de payer ces 85%, il lui faut faire une double facturation. Event adresse donc à l'UMP des factures pour des prestations qui n'ont jamais eu lieu. Cela s'appelle des fausses factures. Et l'UMP les paie, sans rechigner. Pour environ 18 millions d'euros de fausses factures. Et personne ne proteste, personne ne dit rien. A part les principaux protagonistes, personne ne semble s'intéresser à cette magouille. Voilà ce qu'explique Franck Attal, preuves à l'appui.
Et toute cette magouille aurait pu, aurait dû, demeurer définitivement secrète s'il n'y avait eu, en novembre 2012, la guerre Copé/Fillon pour la présidence de l'UMP. Et si le trésorier de l'époque, soutien déclaré de F. Fillon, n'avait pas tenté de nuire à J-F Copé en laissant entendre que "ses amis de Bygmalion s'étaient gavés" en surfacturant les frais de campagne.
On peut naturellement se demander comment Dominique Dord, trésorier de l'UMP, aurait bien pu savoir, fin 2012, que les frais de campagne avaient été surfacturés par Event-Bygmalion si lui même n'avait pas eu accès à ces factures. Mais, sachant que Dord clame sa plus totale innocence et déclare avoir tout ignoré des magouilles supposées, allant même jusqu'à prétendre qu'on (?) avait "usurpé" sa signature, d'autres questions sont plus amusantes:
- 1) Pourquoi Dominique Dord n'aurait-il pas été mis au courant de l'accord d'avril 2012 autorisant Event à facturer à l'UMP une partie importante des frais qui auraient dû être supportés par le candidat, alors qu'il était le trésorier, celui qui devait signer les chèques ?
- 2) Comment le trésorier du parti aurait-il pu ne pas remarquer que, entre le printemps et l'été 2012, l'UMP avait dépensé 18 millions d'euros qui n'avaient été ni budgétés, ni financés (les comptes du parti étaient dans le rouge et il fallait emprunter)?
- 3) Comment expliquer que personne, dans l'organigramme de l'UMP, même après avril 2012, n'aurait informé Dord de cette double facturation et que lui-même ne serait jamais douté de rien ?
On ne voit que deux possibilités de réponse à ces trois questions. La première c'est que le trésorier de l'UMP de 2012 était considéré, à juste raison, par l'ensemble de l'UMP, comme un naze, un nul, un pauvre type à qui on cachait tout, y compris l'essentiel. La seconde, elle est tellement évidente qu'elle se passe d'explication. Reste à attendre ce que sera le choix des juges.
Les Aixois ne devraient donc plus tarder à découvrir s'ils ont confié les destinées de la Ville et de ses finances à un gros naze méprisé par ses pairs ou à un tricheur?
Pas sûr qu'ils aient des raisons de se réjouir davantage d'une hypothèse plutôt que de l'autre!
Pour ceux qui n'auraient pas vu l'émission, elle existe en "replay" avec le lien suivant:
http://pluzz.francetv.fr/videos/envoye_special.html
(le reportage sur les finances de l'UMP commence à 1 h 02)