Sauf qu'on est loin ici d'être dans le courant d'une onde pure (La Fontaine dixit)
Ah, ce brave Daubé à la mémoire aussi courte que la vue. Que ne le voilà-t-il pas tout ébaubi de tant de succès et de mérites:
Sauf que la réalité est sans doute moins idyllique.
Par Jacques Girard
Je me souviens de cette période à cheval sur 2007 et 2008. Quelques années plus tôt j'avais fait la connaissance de Gratien Ferrari. L'ancien député-maire d'Aix-les-Bains ressassait alors son désespoir d'avoir été trahi par les siens. En l'occurrence, il reprochait à un certain Dominique Dord, qui avait été son assistant parlementaire puis son suppléant, sa trahison au profit d'un de ses adversaires. Ce qui avait ensuite permis à Dord de lui succéder au poste de député-maire aixois. Depuis, G. Ferrari n'avait de cesse que devouloir prendre sa revanche sur ce Dord.
En ce mois de décembre 2007 G. Ferrari escomptait encore y parvenir. Depuis des mois, dans une forme de secret, il réunissait autour de lui des femmes et des hommes afin de constituer une liste solide pour les prochaines élections municipales prévues en mars 2008. L'ancien député n'avait même pas pour ambition de s'attarder au poste de maire en cas de victoire. Non, celle qu'il préparait pour occuper ce poste, c'était une nièce qu'il avait "accueillie" chez lui quand elle était enfant, qui portait le même nom et qu'il considérait un peu comme sa fille. Marina. Une Ferrari.
Il en rêvait le Gratien. J'étais alors un peu son confident. Oui, il en rêvait d'autant plus en confiance qu'en cette fin d'année 2007 l'image de D. Dord n'était pas à son meilleur niveau, au moins localement parlant. Et puis...
Et puis, alors que la liste se complétait, un beau matin, si l'on peut employer l'expression, la Marina annonça à son tonton préféré qu'elle ne partirait plus derrière lui à l'élection municipale mais qu'elle avait choisi de rejoindre la liste de Dord.
Quand je le rencontrais ce jour-là, la foudre serait tombée sur sa maison que Gratien Ferrari n'en aurait pas été plus secoué. Dire qu'il était profondément accablé par cette trahison reste un euphémisme. Je me souviens qu'en le rejoignant dans la véranda où il tenait ses réunions, je remarquai immédiatement le cadre accroché au mur et sur lequel G. Ferrari présentait à tous ses visiteurs un joli tableau de famille. A savoir, des photos de lui-même entouré de ses proches en diverses circonstances heureuses. Ce matin-là, sur ces photos, chaque fois que c'était possible, G. Ferrari avait découpé la présence de sa nièce Marina. A défaut de coupe, quand la nièce se trouvait au milieu d'autres familiers, il lui avait barbouillé le visage à l'encre noire. Partout ailleurs dans la maison toute trace de l'existence de la nièce avait également disparu. A partir de ce jour, celle qui avait longtemps été considérée comme la fille adoptive fut désignée comme paria, rejetée du reste de la famille. Un prix très lourd à payer pour celle qui allait devenir la quatrième adjointe d'un Dominique Dord, lequel avait pu présenter ce ralliement comme un trophée. Brillant latiniste, Gratien aurait pu alors s'écrier, tel César trahi par Brutus, tu quoque fili. Toi aussi ma fille. Jusqu'à la fin de sa vie, il ne se remit pas de cette trahison.
Adjointe sans véritable pouvoir dans le second mandat avec Dord, Marina Ferrari dut supporter la présence de R. Beretti qui prenait facilement l'ascendant. Si elle fut son binôme en 2015 aux élections départementales, c'est lui qui siégea à la vice-présidence de l'Assemblée à Chambéry. A l'approche de l'échéance municipale de 2020 elle comprit que Beretti, à qui Dord, contraint et forcé, avait cédé sa place de maire un an et demi plus tôt, ne lui ferait pas de cadeau. Alors elle tenta sa chance et monta sa propre liste. Elle ne réussit à convaincre qu'un peu plus de 8% des électeurs inscrits et termina la compétition en se retrouvant simple conseillère d'opposition.
Il ne lui restait que le Modem de Bayrou pour se refaire une santé politique.
Elle sut alors profiter de la disgrâce du député Modem Patrick Mignola qui libéra une place en Savoie pour la compétition des législatives de 2022. Elle pouvait se rappeler que, cinq ans auparavant, une illustre inconnue de 24 ans avait été élue (contre Dord) uniquement en se revendiquant du soutien du parti d'un macron fraîchement élu président. Alors Bis repetia placent?
Eh, oui. Aux législatives de juin 2022, grâce au soutien de F. Bayrou (Modem) et avec l'étiquette présidentielle, M. Ferrari fut élue députée, dans une circonscription de droite face à une totale inconnue à la gauche de la Nupes. A vaincre sans péril on triomphe sans gloire, trop peu d'honneur pour moi suivait cette victoire... Fi de tout cela !
Et voilà donc la Marina bée des anges introduite députée godillot d'un parti présidentiel. Autrement dit, une députée sans autre rôle à tenir que d'obéir à la majorité minoritaire et au patron du Modem, Bayrou en l'occurrence.
Et voilà soudain qu'en 2024 une occasion se présente. Bayrou, qui attendait l'onction judiciaire devant le rendre innocent, espérait enfin tenir un grand rôle dans un nouveau gouvernement formé par macron. Mais macron n'a jamais eu besoin de pointures ni de gens d'expérience autour de lui, surtout pas de gens qui pourraient faire de l'ombre à sa petite personne égocentrée. Et Bayrou comprit qu'entrer dans un gouvernement de freluquets, avec un freluquet en chef pour le diriger, c'était ruiner ce qu'il lui restait de chance de briller en politique. Il déclina, avec force éclats, l'offre d'entrer dans ce gouvernement.
Pour les macronistes, il devenait urgent de débaucher des gens du Modem, histoire de montrer que tous ne suivaient pas Bayrou. Aucune pointure ne se présentant, les macronistes retinrent, entre autres, l'une des plus insignifiantes des députées du Modem pour faire nombre dans leur rang. Une Ferrari, avec un moteur de 2CV, ferait l'affaire.
Est-ce à dire qu'en acceptant ce poste de secrétaire d'Etat aux tasses à café et à l'informatique, elle a de nouveau trahi ceux à qui elle devait tout?
Seuls Bayrou et le Modem ont la réponse.
J.G.
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