Dominique Dord, un procédurier qui fait la fortune des cabinets d'avocats

En quinze ans il a engagé la ville dans plus de 200 affaires en justice


C'était sa façon à lui de remuer les foules. Dans les premières années de ses mandats, le député-maire d'Aix-les-Bains avait pris pour coutume de se faire applaudir chaque année en annonçant qu'il venait encore de "gagner un procès". Et il en profitait alors pour accuser ses détracteurs d'être des procéduriers.
Procédurier, dans sa bouche le mot prenait des allures d'insulte et le bon peuple aixois, relayé par la presse aux ordres, de fustiger ceux qui attaquaient un maire si compétent et si dévoué. Mais voilà, personne ne voulait voir l'envers du décor, à savoir que le seul et véritable procédurier à Aix-les-Bains, c'est Dominique Dord.


Première question à la majorité silencieuse: dans combien de contentieux en justice le député-maire a-t-il engagé la Ville d'Aix les Bains ces douze derniers mois? Deux? Cinq? Dix? Davantage? Quinze? Vingt? Plus! Dans très exactement vingt cinq affaires. Et c'est facile à vérifier puisqu'il suffit de consulter les compte-rendus des réunions de conseil municipal.

En effet, à chaque séance, le maire est tenu de rendre compte des décisions qu'il a prises dans le secret de son cabinet en vertu d'une délégation générale que le conseil municipal lui a généreusement votée en début de mandat. Pour la seule année 2016, cela représente un peu plus d'une centaine de décisions, lesquelles permettent au maire, seul, de choisir, entres autres, à qui louer ou céder un bien municipal ou à qui attribuer un marché lucratif. Sur cette centaine de décisions, il s'en trouve très exactement 25 concernant la désignation d'un avocat pour représenter la Mairie devant un tribunal. C'est donc le maire, sans en référer au préalable à quiconque, qui non seulement décide d'engager la Ville en justice mais qui, également, choisit le cabinet d'avocat à qui ce confortable marché va être attribué. Certains y trouvent même une vraie rente de situation.
Ainsi, sur les 25 désignations d'avocats, le nom du cabinet Sindrès de Marseille revient douze fois, celui du cabinet Liochon huit fois, le "pauvre" Pérez de Chambéry (ne) se voyant retenu (que) trois fois...

Deuxième question à la majorité silencieuse: combien ce penchant procédurier du député-maire coûte-t-il à la collectivité? C'est là l'un des secrets les mieux gardés de la mairie mais on peut faire une petite extrapolation. Les honoraires des avocats étant libres et ceux-ci n'ayant aucune raison de faire des cadeaux aux contribuables, on peut chiffrer le coût moyen d'une intervention d'avocat autour de 5.000 euros, sachant que cela peut descendre à 2.000 en cas d'une simple représentation pour partie civile mais grimper à plus de 10.000 euros quand la procédure se complique avec des dossiers à l'instruction. Dès lors, une simple multiplication (25 x 5.000) ferait déjà grimper l'addition à 125.000 euros. Si l'on ajoute à cela les près de 100.000 euros de forfait annuel que la mairie a accepté de verser au cabinet Sindrès* de Marseille (en plus de ses douze désignations!), on peut en conclure que la tendance procédurière de son maire coûte aux contribuables locaux plus de 200.000 euros. Chaque année. Sachant que la proportion des affaires en justice a suivi à peu près le même rythme ces quinze dernières années, peut-on raisonnablement chiffrer la dépense globale en frais de justice autour des 2 ou 3 millions d'euros? On le peut!

Troisième question à la majorité silencieuse: la présence de la Ville dans ces affaires en justice et le recours à un avocat étaient-ils vraiment indispensables? La réponse est non, bien sûr que non. Par exemple, était-il nécessaire, voire seulement utile, de payer très cher la présence de Me Pérez et de sa belle robe noire dans une modeste affaire de conseil de discipline dont le sort était jeté, au point que le salarié poursuivi avait même renoncé à se défendre? Bien sûr que non. De même, puisque outre les conseils permanents et chèrement payés de Me Sindrès la Ville rétribue aussi, mensuellement, des juristes fonctionnaires, comment se fait-il que de nombreux contentieux portent sur des litiges entre des administrés et l'administration? Ou encore, puisque le maire dit s'être entouré des cadres les plus compétents, comment se fait-il qu'une proportion non négligeable de litiges mettent en cause la gestion du personnel municipal, y compris dans des affaires pénales à rebondissements?

Une chose est au moins avérée: le fait que Dord, en moins d'un an, s'est cru obligé de faire vingt cinq fois appel à des avocats ne plaide pas en faveur d'une gestion tranquille et sereine des affaires municipales.
Et pour avoir engagé la Ville, depuis son arrivée à la mairie, dans deux cents ou trois cents procédures en justice, l'ancien trésorier de l'UMP mériterait bien d'être sacré "Procédurier Dord".

* A noter que, sans vergogne, Dord n'a pas hésité à faire appel au même cabinet Sindrès, largement financé par les contribuables locaux, pour le défendre dans une affaire où c'était lui en personne et non pas la mairie qui était mis en cause. Et personne n'a vu là un quelconque conflit d'intérêt?

Note aux benêts (qui vont bientôt revoter pour lui) : On sait maintenant pourquoi l'ineffable Dominique Dord a décidé de soutenir François Fillon pour la présidentielle.
Dans le procès de Christine Lagarde (affaire Tapie), les juges ont estimé que l'ancienne ministre des Finances était coupable de négligence et l'ont condamnée... à rien! Il est vrai aussi que la coupable ministre des Finances n'avait pas pu assumer seule cette décision arbitraire. Son premier ministre d'alors, l'incertain Fillon., lui avait forcément donné un avis favorable ainsi que l'affirme un ex haut fonctionnaire de Bercy.

En fonction de quoi, s'il avait accompagné Lagarde en justice, celui-ci aurait pu, lui aussi, être reconnu coupable d'une "négligence" à 400 millions d'euros.
On comprend mieux dès lors l'admiration que Dord porte à Fillon. Un type qui, comme trésorier de son parti, n'a pas vu disparaître 18 millions d'euros et qui espère que la justice et les électeurs vont oublier cette "négligence" ne peut qu'être admiratif devant un type qui a négligemment perdu 400 millions d'euros et qui est passé à travers toutes les gouttes et qui donne des leçons de bonne gestion à la terre entière.
Tout s'explique!