Faut-il que le député-maire aixois soit aux abois pour que le daubé, à la fois dans son édition papier et en vidéo sur internet, se soit livré à une interview d'une aussi rare complaisance. Il faut dire aussi qu'entre l'affaire Bygmalion, le lâchage de ses anciens potes de l'UMP, la disparition de son poulain Fillon dans les sondages, le pataquès autour de la réhabilitation des Anciens Thermes, l'économie et l'activité touristique locales en berne et le désenchantement, voire le ras-le-bol d'une partie de plus en plus importante de la population locale, Dominique Dord a sans doute de bonnes raisons d'être inquiet pour son avenir...
En fait d'interview, le reportage vidéo tout comme l'article papier ressemblent plutôt à une sorte de publi-reportage dans lequel l'intervieweur semble se contenter de réponses frelatées à des questions préparées à l'avance et, surtout, sans être autorisé à pratiquer le droit de suite ni de contredire son interlocuteur, y compris quand celui-ci profère des énormités.
Le meilleur exemple de la question convenue à l'avance, sinon préparée par l'interviewé lui-même, c'est lorsque le faire-valoir du daubé, à propos de l'affaire Bygmalion, pose à Dord la question sous cette forme: "Nicolas Sarkozy vous a mis (sic) dans une situation compromettante (re-sic) avec le financement de sa campagne en 2012, alors que vous étiez le trésorier de l'UMP. Quelles relations avez-vous avec lui aujourd'hui?
Et là, on tombe de l'armoire. Certes, les présumées fausses factures de l'affaire Bygmalion auraient prioritairement profité à Sarkozy mais si le trésorier de l'UMP avait fait son boulot, jamais, Ô grand jamais, il ne se serait retrouvé dans une situation "compromettante". Jamais l'UMP n'aurait perdu 18 millions d'euros en fausses factures.
En posant la question comme il l'a fait, le publiciste du daubé dédouanait Dord aux yeux des lecteurs et spectateurs en rendant Sarko seul responsable de l'affaire. Une façon de faire qui a permis ensuite à Dord d'afficher sa candeur virginale quand il s'est agi d'aborder les suites judiciaires de l'affaire Bygmalion. Après avoir prétendu qu'il aurait été abusé et qu'il espérait bénéficier d'un non-lieu, Dord affirme: "Il a été reconnu que ma signature a été imitée ou scannée 18 fois sur les 21 qui me sont reprochées". Et, là, un journaliste libre et pugnace aurait pu rebondir. Ce que le faire-valoir du daubé s'est bien gardé de faire, passant immédiatement à un autre sujet.
Ce n'était pourtant pas très compliqué de rappeler à Dord que même si seulement trois chèques (sur les 21 qui ont servi à payer des fausses factures) portaient sa signature originale, c'était déjà trois de trop. Et donc de lui demander si il ne craignait pas que ces trois signatures, que l'ex-trésorier semble reconnaître, fassent de lui le complice de cette arnaque. Voilà la première question qu'un journaliste sérieux aurait pu poser. A défaut, un intervieweur sans peur ni reproche aurait pu également demander à Dord: Comment pouvez-vous laisser dire que vous avez été abusé par Sarko alors que dans une interview à l'Express vous avez déclaré avoir alerté l'ancien président sur le risque de voir les amis de Copé se gaver et qu'il vous avait répondu que les surfacturations étaient improuvables:
Il aurait alors été intéressant de noter la réaction de Dord à ce rappel. Mais le publiciste du daubé avait sans doute des consignes.
Enfin, un autre détail aurait pu éveiller l'attention de l'intervieweur, à savoir quand Dord précise que sa signature aurait été "imitée" ou "scannée" 18 fois. C'était étrange comme formulation. Imitée ou scannée ce n'est pas la même chose. Imiter une signature sans l'accord du titulaire, c'est un délit. Scanner une signature, ce peut-être un moyen légal de signer. On appelle cela aussi utiliser une "griffe". Pourquoi Dord a-t-il donc souhaité mélanger les deux comme on additionnerait des choux et des fraises? Parce que il est probable que les juges ont dans leur dossier des éléments qui permettent de démontrer que Dominique Dord a parfois autorisé Fabienne Liadzé, la directrice financière (salariée) de l'UMP, à utiliser sa "griffe" quand il ne pouvait pas ou ne voulait pas signer de sa propre main. Des exemples, dûment authentifiés, de ces autorisations existent:
Il apparaît ainsi que l'usage d'une signature "scannée" était courant à l'UMP, que cela résultait des relations de confiance entre l'élu et le salarié et que Dord en usait.
Alors, sur les 18 signatures imitées ou scannées, combien Dord en a-t-il autorisées? Voilà encore une bonne question que le publiciste du daubé, qui n'est pas plus idiot ni moins bien informé qu'un autre, aurait pu ajouter pour la clarté du débat et l'éclairage de ses lecteurs. Il ne l'a pas fait. Cela aurait pu nuire à l'image du député maire, ce qui n'était pas le but, loin s'en fallait, de l'interview.
La vraie conclusion de cet entretien aurait, quant à elle, nuit gravement à l'image que Dord veut donner de lui même en ces temps troublés. Elle aurait pu se résumer ainsi:
Monsieur Dord il n'existe qu'une alternative. Ou bien les juges vont admettre que vous avez volontairement participé à l'opération fausses factures, et il faudra assumer. Ou bien la justice ne trouvera rien à vous reprocher et il faudra en conclure que des aigrefins ont pu soutirer 18 millions d'euros au parti dont vous étiez le trésorier sans que vous vous en rendiez compte. Et pour quelqu'un comme vous qui ambitionne de gérer les dizaines de millions d'euros des budgets des collectivités locales aixoises, on ne sait pas ce qui est le plus dramatique.
Choisir entre être le type malhonnête qui a truqué les comptes ou être l'idiot qui n'a pas vu 18 millions d'euros s'envoler, telle est aujourd'hui la question.
Et il n'y en a pas d'autre.
Pour la vidéo, (et pour ceux qui ont l'estomac solide) voici le lien vers youtube:
https://www.youtube.com/watch?v=tzfP98lNRd8