Plus de cinq cents élus invités, à peine plus de cent cinquante présents, voilà qui ressemble sinon à un camouflet du moins à un sacré désaveu. Et l'on comprend pourquoi Dominique Dord avait longtemps hésité à inviter la presse à assister à ce triste spectacle ce mercredi en soirée.
L'auditorium du Centre des Congrès, destiné à accueillir un petit millier de personnes, paraissait tristement vide ce mercredi soir quand le député-maire-président a ouvert la réunion censée jeter les bases de Grand Lac. Ressentant le malaise de l'assistance, D. Dord crut faire de l'humour en annonçant aux personnes présentes que s'il avait choisi un aussi grand amphi c'était en prévision de l'extension de "Grand Lac" à Chambéry et pourquoi pas à Annecy. Une plaisanterie (ou un aveu) qui ne fit rire que lui et ceux qui l'entouraient à la table.
En tout cas, hier soir Dord n'a pas pu cacher une évidence, à savoir que Grand Lac n'existe toujours pas dans les faits. Grand Lac ce sera le nom que portera le futur regroupement de la CALB avec les communautés de communes de Chautagne et de l'Albanais. Une fusion qui ne pourra être effective que l'an prochain. Dord a même reconnu implicitement que l'appellation "Grand Lac" n'était encore pour l'heure qu'une "marque" et qu'il avait quelque peu "anticipé" en substituant cette "marque" à l'appellation officielle, la CALB. Voilà une reconnaissance qui devrait conforter le conseiller municipal voglanais qui a demandé au préfet d'annuler les délibérations prises au nom d'une collectivité Grand Lac qui n'existe pas encore. CQFD.
Des élus inquiets quant à la fusion mais qui vont la laisser faire
Pour le reste, on n'a pas appris grand chose lors de cette réunion, sinon que des cabinets extérieurs avaient planché sur la question (aux frais des contribuables, bien entendu) depuis des mois et que le résultat de leurs consultations ne plaidait guère en faveur d'une fusion entre les trois communautés aixoises, chautagnarde et albanaise.
Selon le rapporteur du cabinet New Deal, qui l'a reconnu avec une belle sincérité, une grande majorité des élus des communes concernées émettraient des doutes, voire des inquiétudes, sur l'utilité et l'efficacité d'une telle communauté élargie.
Non seulement personne ne semble croire qu'économiquement cette fusion sera profitable aux habitants mais la plupart des élus interrogés estiment même que la charge financière sera plus lourde pour les contribuables. Un doute qu'a tenté de dissiper le député-maire-président en laissant entendre que la fiscalité locale serait "lissée" progressivement, sans préciser si ce lissage se ferait vers le haut ou vers le bas. Apparemment les maires des petites communes, eux, ont déjà compris que pour leurs habitants la note sera bientôt plus salée. Et comme, en plus, ils vont y perdre en démocratie, la conclusion de tout cela aurait dû être de laisser tomber cette histoire de fusion. Mais ce ne fut pas le cas et l'on comprend mieux le peu d'enthousiasme des élus qui avaient fait le déplacement.
Vers une technocratie incontrôlable
Sans compter que les mêmes élus ne sont pas au bout de leurs désillusions. Ils vont prochainement apprendre que leur représentativité au sein du futur Grand Lac va encore être réduite. Ainsi, en Chautagne, les mairies délèguent actuellement 25 représentants à la communauté de communes. Avec le futur Grand Lac, ils ne seront plus l'an prochain que 9. Idem pour l'Albanais dont les représentants vont passer de 25 à 8. Quant à ceux du bassin aixois, qui viennent de voter pour désigner 58 représentants à la CALB, ils devront revoter avant l'année prochaine pour réduire ce nombre à 53 à Grand Lac mais ils ne le savent pas encore. En fait, avec 70 délégués pour représenter une trentaine de communes aussi différentes Grand Lac sera soit une sorte de nouvelle tour de Babel où chacun parlera son propre langage, soit le règne de la technocratie, donc un pouvoir incontrôlable par la base.
Ainsi, en connaissance de cause, et si on leur laissait le choix, la plupart des représentants des communes, aussi bien de l'Aixois, que de la Chautagne ou de l'Albanais, refuseraient de fusionner dans une communauté élargie telle qu'elle est prévue. Mais la force de Dord c'est de les avoir persuadés que de choix ils n'avaient pas et que la loi (NOTRe) les y obligerait un jour et que, dans ces conditions, il fallait mieux anticiper. Quel farceur! Car pour ce qui est d'anticiper, Dord est un spécialiste. Lors de son propos, en demi-teinte, il a même laissé entendre que si, dès 2006, il avait jeté son dévolu sur le restaurant de la Chambotte et son belvédère, c'était parce qu'il avait "anticipé" la loi NOTRe. Laquelle loi NOTRe a été promulguée en 2015. Et certains douteraient encore que cet homme est un visionnaire..?
Bref, ce mercredi soir, devant un parterre réduit, ce fut encore une belle séance d'enfumage mais d'un enfumage encore raté. Pour un peu on oserait comparer cette séance avec l'intervention télévisée du président Hollande. Un bide.
A force de se faire mener en bateau en permanence, plus personne ne croit plus à rien et les troupes se font de plus en plus rares. C'est aussi le sentiment qui se dégageait mercredi soir en plus de la lassitude.
L'usure du pouvoir, à n'en pas douter...