Le mensonge et le reniement des promesses sont inhérents à la vie politique. Très souvent cela passe assez loin des citoyens pour que, bien qu'ils en aient conscience, ceux-ci ne puissent en appréhender tous les artifices. Mais quand le mensonge et le reniement ont pour cadre une petite commune et que cela touche à la vie quotidienne des gens, cela devrait prendre une toute autre ampleur.
Prenons l'exemple de l'eau, de cette eau qui, depuis des décennies s'écoule des robinets dans chaque habitation. Cette eau étant un bien à la fois commun et indispensable à la vie, on s'était habitué à ce qu'elle soit distribuée à tous, aux moindres frais.
Dans notre société hyper centralisée, c'était l'un des rares biens de consommation (courante!) dont la responsabilité de la distribution et du prix était encore réservée à la collectivité la plus proche du citoyen, à savoir la mairie. La gestion de l'eau était même l'un des critères retenu par l'électeur, avec les impôts locaux, pour juger de la bonne ou moins bonne gestion de l'élu en charge de la commune. Et cela fonctionnait plutôt bien, un peu partout en France en général et dans le bassin aixois en particulier. Mais voilà. Pour mieux détacher la gestion quotidienne du contrôle des citoyens, des technocrates ont décidé que la distribution de cette eau, de communale devait devenir intercommunale. C'est à dire incontrôlable par tout un chacun dans la mesure où les responsabilités allaient être davantage diluées, si l'on peut dire.
Comment faire profiter les autres de ses propres échecs
Une aubaine dans laquelle le grand baratineur aixois s'est rapidement engouffré. Ayant lamentablement échoué (pour cause de complaisance avec le distributeur privé) à gérer au mieux la distribution de l'eau dans la commune qu'il administrait si mal (l'eau aixoise est la plus chère et la moins bien distribuée de toute l'agglo), Dominique Dord, qui n'est pas égoïste, a décidé de partager ses échecs avec l'ensemble des communes de l'agglomération. Profitant d'une loi (NOTRe) qui va pourtant rapidement s'avérer inapplicable, il a décidé, lui tout seul, que désormais ce serait la Communauté d'agglo qui se substituerait aux communes pour distribuer l'eau et la facturer aux consommateurs. Certains ont déjà calculé qu'à cette aune leur facture d'eau pourrait rapidement doubler.
A cette annonce quelques "petits" maires se sont récriés. Pas question de toucher à notre eau communale, se sont-ils indignés, version H20 de la formule "on ne passe pas". Ce fut notamment le cas du maire de Drumettaz-Clarafond qui, devant ses administrés ou devant l'assemblée intercommunale ne manqua pas de faire part de son opposition à la communautarisation de la distribution de l'eau. Il subsiste de nombreuses traces de cette indignation, comme cet extrait de son intervention, l'an dernier, devant le conseil de la CALB où il est rappelé que M. Jacquier (le maire de Drumet') n'était PAS FAVORABLE à ce projet.
C'était clair... comme de l'eau de roche. C'est du moins ce que l'on croyait. Jusqu'à ce 30 mars 2016 où, devant son conseil municipal, le même Jacquier a déclaré à propos de la même communautarisation de l'eau, qu'il existait "un réel intérêt à anticiper le transfert" de la gestion de l'eau de la commune vers la CALB, confer cet extrait ci-dessous du compte rendu du conseil municipal de cette bourgade:
Par quel mystère ce Jacquier, qui en 2015 n'était PAS FAVORABLE à ce transfert a-t-il bien pu, en 2016, déclarer que ce transfert présentait "un réel intérêt" pour les habitants de sa commune? Il n'y a pas de mystère. Cela s'appelle le reniement, le retrait de sa parole. D'aucuns diraient, la trahison. Et maintenant on imagine la scène...
Le serment de Drumettaz
Puisque rien, dans la pratique ou dans les faits, ne pouvait le faire changer d'avis, on imagine que le maire de Drumet' a subi la pression du président et de ses acolytes. Une pression plus ou moins amicale qui en rappelle une autre.
Cela nous fait remonter au printemps 2008. A cette époque le président de la CALB était encore le maire de Drumettaz-Clarafond, pas l'actuel mais l'ancien, André Quay-Thévenon. Lequel AQT était attaché à son poste de président de la CALB et ne souhaitait pas le céder à Dord qui voulait absolument s'en emparer. Une guerre sourde fut alors déclarée et le député UMP intrigua pour que Quay-Thévenon perde sa place de maire, y compris en faisant élire à sa place un socialiste. Se sachant battu, Quay-Thévenon avait réuni la presque totalité des maires de l'agglo. Tous ensemble avaient fait le serment de ne jamais choisir le prochain président de la CALB parmi les élus de la ville centre et surtout pas Dord. Un accord fut même conclu selon lequel le prochain président de l'agglo serait Robert Clerc, le maire de Grésy-sur-Aix. Ce fut le serment de Drumettaz. Un serment qui tint 15 jours.
Une fois les élections municipales passées, Quay-Thévenon battu, Dord et ses séides firent pression sur les "petits" maires nouvellement élus ou réélus. Tant et si bien que Clerc renonça à se présenter et que Dord fut élu président de la CALB sans concurrence. Tous ceux qui avaient renié leur engagement y trouvèrent sans doute leur compte, une vice présidence bien rémunérée ici, un poste de prestige ailleurs, la promesse d'arrangements internes, plus tard.
Et l'intérêt des citoyens dans tout cela? Mais c'est le cadet de leur souci ma bonne dame! La seule chose qui les intéresse c'est d'être élus et de se faire réélire. Au prix de renoncements, de reniements. Et de coups de pied au cul.
C'est bien triste, la politique, vue sous cet angle.