Monsieur le maire d'Aix-les-Bains vous me permettrez, c’est une
formule de politesse, de revenir sur les incidents qui ont précédé, jeudi,
l’inauguration de l’Antenne de Ville et autres petits aménagements dans le
cadre de la rénovation urbaine du quartier du Sierroz.
Quand, avec les gens qui m’accompagnaient, on vous a vu arriver, on a compris
tout de suite que vous vous apprêtiez à en découdre avec le premier qui se
mettrait en travers de votre chemin. Ça n’a pas manqué. Après deux ou trois
bises à des collaboratrices et quelques poignées de main à vos éternels
thuriféraires, vous vous êtes retrouvé face à un jeune homme qui, très
poliment, vous a reproché de ne pas avoir tenu vos promesses, principalement en
matière d’emploi. En d’autres occasions, vous auriez pris ce garçon par
l’épaule et vous lui auriez proposé d’attendre la fin de l’inauguration pour
parler avec lui de tout ce qui, à ses yeux, n’allait pas. Seulement voilà, vous
n’étiez pas venu avec un esprit de conciliation mais avec une volonté
d’affrontement. Sans doute les incidents de la nuit ou l’incendie de l’avant
veille y étaient-ils pour quelque chose. Devinant que vous n’alliez pas
être accueilli en messie sur la place, vous avez utilisé la vieille recette des
vieux briscards en politique : attaquer ! Attaquer le premier en se
plaignant d’avoir été provoqué. Vous saviez que votre colère excessive allait
calmer les contestataires. En criant, en vociférant plutôt, vous redeveniez le
centre du jeu. Voire aussi la victime. Comment ! Ces gens osaient vous
contester après tout ce que vous aviez fait pour eux ? Mais quelle ingratitude,
n’avez-vous pas manquer de faire remarquer. Voilà pour la tactique éculée. Et
maintenant remettons l’église au milieu du village.
Raser le tiers du camping, ça c'est de la destruction!
Monsieur Dord, dans votre discours de ce jeudi vous avez
dénoncé des « destructions insupportables » commises sur des
équipements « destinés aux familles ». Allons donc, un peu de mesure.
Vous connaissez pourtant le sens des mots. On parle de destruction quand un
bien ou un immeuble est détruit, rasé, inutilisable. Exemple : un tiers du
camping du Sierroz a été détruit ! Mais, dans le quartier que vous
inauguriez, seules quatre ou cinq vitres de ces fameux équipements (dont le local de l'OPAC) ont été cassées. C’est trop,
certes, ce n’est pas admissible, certes, mais de là à parler de destructions
insupportables... Est-ce que l’on a parlé de destructions insupportables quand
vous avez fait démonter les fameuses pissotières géantes de la Gare, je veux
parler de ces moches fontaines qui n’ont jamais fonctionné. On dit que tout
cela a coûté plusieurs dizaines de milliers d’euros aux contribuables. A côté,
les deux ou trois cents euros de vitre c’est presque une aumône...
Bon, mais je suis d’accord avec vous, ces actions de
vandalisme sont inadmissibles. Mais n’y a-t-il pas plus inadmissible
encore ? Vous êtes-vous mis dans la peau d’un jeune homme de 25/30 ans qui
ne trouve pas de boulot et qui ne peut pas se lancer dans la vie, fonder une
famille ? Vous êtes vous mis dans la peau de cet autre, père de deux
enfants, au chômage depuis des années, sans espoir de sortir de cette
ornière ? Ceux-là sont parmi ces gens à qui, voici quelques années, vous aviez
promis que votre rénovation urbaine allait les sortir de la mouise. Vous ne
croyez pas que ces gens-là peuvent parfois avoir la tentation d’attirer
l’attention sur leur sort, même de manière maladroite ? Vous qui palpez
plus de 10.000 euros par mois, vous qui ne payez rien ou presque, vous qui vous
déplacez en voiture de fonction, vous qui habitez une gentilhommière à 2 ou 3
millions d’euros, vous qui dépensez allègrement l’argent des contribuables,
vous ne trouvez pas que c’est indécent de juger et de condamner sans appel ceux qui, tout
en bas de l’échelle, en sont réduits à attendre des promesses qui ne seront
jamais tenues ?
A force de n'être entouré que de courtisans...
Sans oublier un détail, si l’on peut dire : cette rénovation urbaine,
personne ne vous l’avait demandée. Ce que les habitants du quartier voulaient,
c’était des appartements décents et de la sécurité. Les tours, c’est vous seul
qui avez décidé leur destruction. Les gens y vivaient heureux, avant. Ils
voulaient juste que l’OPAC et la Ville ne les oublient pas et qu’ils fassent
respecter leur environnement. Et, puisque les bâtiments étaient amortis depuis
longtemps, que l’argent des loyers soit utilisé à la rénovation. Pas à la
destruction. Ils étaient même nombreux ceux qui auraient souhaité racheter leur
appartement dans les tours si l’occasion leur avait été proposée. Mais non. La
rénovation urbaine vous ne l’avez faite qu’avec des technocrates pour le plus
grand profit de vos amis les promoteurs et les bétonneurs. Les tours, vous avez trouvé plus
spectaculaire de les abattre plutôt que de les rénover. Et vous vous étonnez
que les gens ne soient pas contents alors que vous ne les avez jamais
écoutés.. ? Vous ne pensez pas que s'il y a un côté qui a des raisons de dire à l'autre "dégage!" ce n'est pas le vôtre?
Votre malheur, Monsieur Dord, ou plutôt le malheur de cette ville, c’est qu’à
force de n’être entouré que de courtisans vous ne supportez plus la moindre
contestation. Vous considérez toutes les critiques comme autant d’agressions
personnelles et vous n’aimez que les thuriféraires. Comme si vous ne saviez pas
que tous ces flatteurs vivent aux dépens de celui qui les écoute. Dans votre
entourage proche, tout le monde a peur de vous contredire car vous contredire
c’est vous déplaire. Alors on vous cache la réalité pour que, tel un Louis XVI,
vous n’entendiez point la contestation qui point. Un peu partout dans la ville des banderoles
fleurissent pour dénoncer votre folie du béton. On se gausse de votre projet "béton-bouyguesse" pour les Anciens Thermes.
Ce jeudi, plus que des vitres
brisées, c’était votre personne, et elle seule, qui était visée par les tags.
Mais votre entourage vous l’a caché. Comme il vous cachera cette diatribe. Et
vous continuerez à ignorer les vrais motifs de la contestation. Et vous
continuerez à pourfendre ceux qui, localement, osent ne pas penser comme vous
et qui osent l’exprimer. Tandis que, dans le même temps, à Paris, vous
continuerez, avec délectation, de vous moquer sans modération (ah le fameux, c'est pas d'vot' faute) de ceux qui détiennent un pouvoir
national que vous ne partagez pas.
Au point de devenir la caricature de vous-même...
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