Voilà qui pourrait ressembler à la fable de l’arroseur arrosé, voire des arroseurs arrosés. Une histoire qui mettrait en scène deux amis supposés de François Fillon dont l’un permettrait à l’autre de se gaver avec l’argent public. Tout cela n’est qu’une satire (dans tous les coins) bien sûr... Même si des faits sont bien réels.
En décembre 2014, Dominique Dord, président de la CALB,
lance la procédure pour un intéressant marché. Il s’agit de « la mise en
œuvre de la communication institutionnelle de la communauté d’agglomération du
Lac du Bourget, à Aix les Bains », un marché annuel d’un minimum (sic) de
25.000 euros, reconductible trois fois. Soit une perspective de 100.000 euros à la
clé. C’est une boite lyonnaise (tiens, encore !) qui décroche le contrat,
Syntagme, dont le slogan annonce la couleur « communication et influence ».
Ça ne s'invente pas!
Le dirigeant et propriétaire de Syntagme répond au nom de Erick Roux de Bézieux
(ERDB pour la suite). Il est issu d’une grande famille bourgeoise lyonnaise.
Son cousin, Geoffroy Roux de Bézieux, est un entrepreneur très médiatique qui a
été élu vice-président du Medef aux côtés de Pierre Gataz. On est vraiment
entre gens de bonne compagnie.
Comme il le reconnaît lui-même, ERDB est tombé très tôt dans le chaudron de la
politique. A 16 ans il militait déjà chez les Jeunesses communistes... Non! On
plaisante, bien sûr ! Il militait chez les jeunes giscardiens (eh, oui, ça
a existé !).
Plus tard, mais encore jeune, il deviendra maire adjoint de Lyon et conseiller
de Lyon-Capitale. Il collaborera aussi avec Rama Yade (éphémère ministre d’on
ne sait plus quoi) et préparera un rapport pour... Nicolas Sarkozy, alors
président de la république. Certains aiment aussi à rappeler qu’il a été très
proche du très droitier Charles Millon. Tiens, comme Dominique Dord ! Un
hasard ?
Durant sa période politique, ERDB n’hésite pas à ferrailler, par le verbe, avec
cette gauche insolente qui prétend diriger Lyon. Le futur maire, Gérard
Collomb, est une de ses cibles favorites, toujours avec le verbe. Car Erick,
avec un K, aime jouer avec les mots. Il aime l’ironie, la satire, l’excès. Et
la trivialité. Il publiera même un livre qu’il a co-écrit avec un autre
Lyonnais. Ils l’ont élégamment titré : « Collomb et les 40
branleurs ». Comme qui dirait, une sorte de masturbation intellectuelle.
ERDB a une haute idée de sa personne. Alors il met en ligne un blog à son nom
dans lequel il présente cette œuvre littéraire et théâtrale qu’il décrit ainsi
pour attirer le chaland « satire dans tous les coins ».
A cette évocation, ici, dans ce journal, nous on biche. On se dit qu’un homme
qui aime à ce point la satire et les petits écrits ne va pas prendre ombrage au
modeste hommage qu’on s’apprête à lui rendre.
ERDB a d’autres atouts dans sa manche qui le font se rapprocher de Dominique
Dord. Comme Dord, ERDB a d’abord été sarkozyste, du moins tant que Sarko était
au pouvoir. Comme Dord, après l’échec à la présidentielle de 2012, ERDB a fini
par penser que Sarko ferait mieux de rester chez lui plutôt que de tenter de
concourir une troisième fois. Il a en même fait une tribune publiée par
Lyon-mag. Et, encore comme Dord, ERDB a choisi de soutenir François Fillon dans
la course à la désignation pour le label Républicains. Notre Lyonnais, pour que
nul n’en ignore, a longuement expliqué son choix, sur son propre blog cette
fois :
Ces points communs avec Dord étant précisés, revenons-en à ce marché de 100.000
euros.
En tant que contribuables de la CALB on est en droit de se demander s’il était
bien sérieux de conclure un marché de ce montant pour « mettre en œuvre la
communication de la CALB ».
Alors que le président de la CALB ne cesse de
réclamer des efforts à tout le monde, cent mille euros, sur quatre ans, c’est
une somme ! Ne pouvait-on en faire l’économie ? Cent mille euros pour
un plan com’ dans une collectivité qui réduit ses services de bus pour gagner
quelques milliers d’euros sur le budget transport, ça interpelle. Un autre à notre place aurait
certainement dit que cela lui mettait « la puce à l’oreille ».
Alors, si l’on avait, ici, à la fois l’esprit taquin et l’humeur à la satire (dans tous
les coins) de ERDB et l’esprit sourcilleux de Dord*, on aurait pu conclure cet
article avec une pseudo question adressée au vice-président de la CALB chargé
des finances. Une question du genre : « Tu es sûr que derrière ce
marché tu ne laisses pas les amis de Dord et de Fillon se gaver ?*». Et on
aurait pu imaginer sa réponse : « Non, c’est improuvable. Combien
vaut un conseil de communicant ? Combien vaut son savoir-faire ?
Certaines prestations sont très difficiles à évaluer *».
Heureusement, nous, ici, nous n’avons pas cet esprit et nous préférons rester
persuadés, comme Candide, que tout va pour le mieux dans le meilleur des
mondes !
* Petit rappel: Interrogés sur les soupçons de surfacturation, voici ce que répondaient les principaux acteurs. Le député Dominique Dord (soutien de François Fillon), qui fut trésorier de l'UMP de 2010 à la fin de 2012: "On peut imaginer que tout cela ait été facturé allègrement. J'avais alerté Nicolas Sarkozy: tu es sûr que tu ne laisses pas les copains de Jean-François [Copé] se gaver? Il m'avait répondu: non! Les surfacturations? C'est improuvable! Combien vaut un meeting que l'organise dans des conditions d'urgence absolue? Combien vaut le savoir-faire? Certaines prestations sont très difficiles à évaluer." (L’Express, 5 février 2012)