(suite de la mise en ligne du 22 février)
Selon les enquêteurs, l’affaire Bygmalion ce serait 18 millions d’euros de factures indûment payées par l’UMP alors qu’elles auraient dû l’être par le candidat Sarkozy. On a vu précédemment que sur ces 18 millions de « fausses » factures, Dord avait reconnu en avoir « validé » pour 8 millions d’euros en mai 2012. Cela tout en admettant que ces factures (présentées par Event, une filiale de Bygmalion) lui avaient paru bizarres et lui avaient « mis la puce à l’oreille ». Comment Dord a-t-il réagi par la suite quand d’autres factures bizarres lui ont été présentées ?
L’ancien trésorier a toujours plaidé sa « bonne foi » et a même assuré
que sa signature aurait pu être imitée. Quelques éléments ne viennent pourtant pas corroborer cette version très personnelle des évènements.
A commencer par un mail daté du 13 novembre 2012 que le député de Savoie a envoyé à Fabienne Liadzé, la directrice financière de l’UMP. Le 13 novembre, c’est plus de six mois après la défaite de Sarkozy à la présidentielle. Le 13 novembre, c’est la pleine crise à l’UMP entre le camp Copé et le camp Fillon. Le 13 novembre, c’est cinq jours avant la proclamation des résultats pour la présidence de l’UMP. Le 13 novembre, c’est treize jours avant que Dord ne démissionne avec fracas de son poste de trésorier.
Et pourtant ce 13 novembre 2012, Dord ordonne à F. Liadzé de « signer les
deux factures Event restant à honorer » pour un total de un million et
vingt mille euros :
Les mots ont un sens. Quand Dord écrit qu’il s’agit de factures « restant à honorer » on imagine qu’il ne s’agit pas d’une prestation récente qu’Event aurait effectuée pour l’UMP. D’ailleurs, depuis le printemps et les défaites à la présidentielle et aux législatives, le parti est exsangue et n’organise plus de manifestations « évènementielles ». On peut donc légitimement penser qu’il s’agit de « vieilles » factures, datant de la campagne présidentielle. De ces fameuses factures qui avaient mis « la puce à l’oreille » du trésorier. Et pourtant, le 13 Novembre, Dord donne l’ordre de les payer sans pouvoir prétendre que sa « bonne foi » est abusée. Et il y en a pour plus d’un million d’euros. Etonnant, non ?
La suite ne l’est pas moins car les évènements vont ensuite s’enchaîner d’une manière qui laisse perplexe.
Quand Dord autorise le paiement de la facture à Event, le duel Copé-Fillon pour la présidence de l'UMP arrive à son paroxysme. C’est dans ce climat que le 14 novembre le Canard Enchaîné publie un article qui va mettre le feu aux poudres.
A travers cet article, il est évident que c'est Copé qui est ciblé, bien davantage que l'UMP. Celui qui n'est encore que le secrétaire général du mouvement, y est accusé d’avoir plombé les finances
du parti à son profit. Des « révélations » laissent entendre que
« des cadres du parti » seraient inquiets après avoir constaté que la
même agence (Bygmalion), dirigée par des proches de Copé, aurait obtenu les
marchés de communication et de l’organisation des meetings de l’UMP.
Les mêmes cadres (sic) estimeraient ainsi « à une bonne dizaine de
millions d’euros » les fonds ainsi pompés par cette agence pour la seule
année 2012. L’article fait également référence à l’endettement de l’UMP ainsi
qu’à ses difficultés budgétaires, un déficit de près de 50 millions, selon les
mêmes « sources ». Ces révélations distillées à quatre jours de l'élection du président du parti sont manifestement destinées à plomber la candidature de Copé.
Quand on y réfléchit, avec le recul on se dit que
tant de précisions, tombant aussi opportunément, ne pouvaient provenir que de
quelqu’un qui, à la fois se trouvait au cœur des finances de l’UMP, qui avait des
comptes à régler avec Copé et qui soutenait Fillon. Les regards seraient alors tentés de se tourner
vers celui qui remplissait ces trois conditions, Dominique Dord !
Le 18 novembre 2012, après une tragi-comédie (ah, l’épisode burlesque de la Co-Co-E !), J-F Copé se proclame vainqueur de l’élection à la présidence de l’UMP. Même si son adversaire proteste, chez ses soutiens on sait que c’est fichu et que, au mieux (ou au pire) il faudra revoter. Le camp Fillon n'a pas fini de ressasser sa rancœur.
Et c'est ainsi que tout a commencé...
Faut-il rappeler que l’article du Canard Enchaîné allait être repris et commenté par l’ensemble de la presse nationale et même chez nos voisins ? C’est dans ce climat agité et sulfureux que, huit jours plus tard, le 26 novembre, Dominique Dord ajoutait de la confusion à la confusion en annonçant, pas vraiment discrètement, qu’il démissionnait de son poste de trésorier.
Là encore, avec le recul, on peut s’interroger sur cette chronologie. Si Dord était en désaccord avec le nouveau président, il aurait pu claquer la porte dès le 19 novembre, c’est à dire au lendemain de la proclamation des résultats.
Pourquoi avoir attendu une semaine ? Pourquoi aussi avoir attendu les
« révélations » du Canard, des révélations qui n’en étaient pas pour
lui, pour annoncer sa démission ? Peut-être pour qu’on ne puisse pas l’accuser, trop ouvertement,
d’avoir été celui qui avait organisé les fuites vers l’hebdomadaire satirique,
diront ses adversaires. Ceux-là auraient de bons arguments à faire valoir en
faveur de cette thèse. Ne serait-ce que par la très grande discrétion du Canard
qui, dans son article, s’était abstenu de mettre en cause la responsabilité du trésorier dans la
faillite annoncée de l’UMP. Or, qui davantage qu’un trésorier, est responsable de la
bonne tenue des finances d’un parti ? Néanmoins,
en lisant attentivement l'article, de fines allusions permettent de déduire
que Didier Hassoux, le journaliste du Canard, a bien eu un contact avec
Dord. Néanmoins, la protection des sources et la discrétion restent de mise.
La discrétion du Canard à l'égard de Dord est d’autant
plus surprenante que l’hebdomadaire satirique ne l’avait guère ménagé lors de sa nomination comme trésorier, en septembre 2010, et que le rédacteur aurait pu trouver en novembre 2012 une nouvelle occasion de brocarder l'animal:
Même pour rester dans l’esprit Canard, dire que l’on peut passer aussi
rapidement du statut de veau à celui de mouton est une facilité animalière à
laquelle on ne cèdera pas. Cochon qui s'en dédit. Mais l'enchaînement des faits reste quand même très troublant.
(à suivre)