Dord, Bouygues, les anciens Thermes et l'épine Peyrefitte

Dominique Dord a promis qu'il ferait connaître en ce mois de janvier ce que Bouygues et lui préparent pour l'avenir des Anciens Thermes. A cette occasion, dira-t-il comment il compte se débarrasser de l'épine Peyrefitte?

C'est un Lyonnais, très proche de Dominique Dord, qui en 2004 met la famille Peyrefitte en relation avec le député-maire d'Aix les Bains. Le couple Peyrefitte dirige alors une petite école d'esthétique à Lyon et cherche un nouveau lieu d'activité pour leur fille Carole qui se lance à son tour dans le métier. Aix les Bains leur apparaît comme une excellente opportunité, ne serait-ce que par la présence d'une activité thermale et ses soins du corps. Et comme le maire leur fait savoir qu'il va disposer de locaux dans les bâtiments des anciens Thermes (Pétriaux), il n'en faut pas plus pour les séduire de tenter l'aventure sur les bords du lac.

En 2005, les bâtiments des anciens Thermes sont encore la propriété de l'Etat qui en a juste accordé la disposition, à titre gratuit, à la mairie, ceci à la condition expresse que cet usage soit lié à des activités publiques ou bénévoles mais en aucun cas commerciales. Qu'à cela ne tienne, et sans le moins du monde redouter la réaction des préfets, Dord passe outre cette restriction et accorde aux Peyrefitte une "convention de service public" (sic) pour installer l'école ITCC dans les anciens Thermes. En relisant cette convention signée en 2005 on a l'impression qu'elle a été préparée à la hâte, sur un coin de table, au sortir d'un repas trop arrosé. Au final, cette convention portera sur la mise à disposition de 1 000 mètres carrés de locaux moyennant un loyer ridicule de 10 000 euros par an. Et elle comporte surtout cette clause signée par Dord: il est convenu qu'à son terme, et quand la Ville deviendra propriétaire des Thermes, cette convention se transformera en un bail commercial calqué sur les conditions financières du loyer initial. Une hérésie. De surcroît, Dord accordera même la garantie financière de la Ville au prêt que Carole Peyrefitte va contracter pour lancer son activité. On ne saurait être plus généreux avec ses amis lyonnais.

L'étonnante proposition de Dord à la Société: racheter le "plateau" pour 750 000 euros

Bénéficiant de ces conditions anormalement favorables mais aussi d'un véritable savoir-faire, l'école ITCC Peyrefitte va très rapidement prospérer. A l'échéance de la convention (2008) la mairie n'est toujours pas devenue propriétaire des lieux mais l'accord entre Peyrefitte et Dord est tacitement prorogé. Enfin, en mars 2012, le moment tant attendu est arrivé, la Ville devient effectivement propriétaire des Anciens Thermes, et les Peyrefite font savoir à la mairie que c'est le moment de passer des promesses aux actes et de signer avec leur société le fameux bail commercial prévu. Et aux conditions annoncées et écrites sept ans plus tôt. Or, en 2012, des cadres un peu plus pointus que les zozos qui entouraient Dord en 2005 expliquent au maire qu'il va être impossible de tenir cette promesse car personne, et certainement pas les Domaines, n'évaluera un bail commercial pour un local de plus de 1000 mètres carrés dans ce lieu prestigieux pour quelques dizaines de milliers d'euros seulement et un loyer ridicule. (Pour mémoire, en décembre dernier, un bail commercial pour les 300 mètres carrés de la Rotonde a été arrêté à 600.000 euros plus un loyer annuel de 70.000 euros, et ce n'est pas cher).

Pourtant les Peyrefitte sont intransigeants, ils ont un accord signé et tiennent à ce qu'il soit respecté. Dord va alors louvoyer comme il sait si bien le faire. Il va charger un notaire (nouvellement établi sur la place d'Aix) de négocier habilement avec les Peyrefitte. Il s'agit de leur faire admettre qu'il vaudrait mieux, pour eux, plutôt qu'un bail commercial, de devenir propriétaires de la surface qu'ils occupent dans les Thermes, surface passée depuis l'origine à environ 1800 mètres carrés. Dord se dit prêt à lâcher ces 1800 mètres carrés pour 750.000 euros et se fait fort d'obtenir un avis favorable de France Domaines. Après avoir hésité, les Peyrefitte se laissent tenter. Un tel local, dans un tel lieu, à tout juste 420 euros le mètre carré, c'est une opportunité qui ne se laisse pas passer. Mais très vite apparaît un hiatus...

Vendre une partie des anciens Thermes aux Peyrefitte, consisterait à constituer, de fait, une copropriété et à accorder aux copropriétaires un droit de regard sur les parties communes, y compris celle du futur projet. Ce serait également hypothéquer le rachat de l'ensemble des bâtiments par une grosse société du BTP, comme le font savoir Vinci puis Bouygues. Alors le projet de vente est bloqué. Il risque de l'être encore longtemps. Compte tenu du projet "mirifique" que Bouygues va présenter pour l'avenir des Anciens Thermes, il paraît exclu d'envisager que ce qui est certainement l'un des plus beaux plateaux de ce futur ensemble prestigieux soit cédé au prix ridicule de 420 euros le mètre carré. De même que la cession d'un bail commercial, pour seulement quelques dizaines de milliers d'euros, avec les Peyrefitte, paraît également inconcevable (surtout après l'épisode Rotonde). Alors, quid?

Pour l'heure les Peyrefitte semblent s'accrocher à leur accord de 2005 qui prévoyait la transformation de leur mise à disposition en bail commercial aux mêmes conditions financières. Sauf que...
Sauf que cet accord était fondé sur un élément faux, à savoir que Dord n'était pas
autorisé à passer cet engagement puisque l'Etat avait exclu tout usage commercial du bâtiment qu'il mettait gratuitement à la disposition de la mairie. Un élément faux qui risque de peser lourd en cas de contentieux.

Bref, on n'est certainement pas sortis de cet imbroglio.


Question à Monsieur le receveur des Finances: Sachant que la convention passée entre la Ville et la société ITCC Peyrefitte a échu en 2008. Sachant qu'il était expressément convenu que cette convention se transformerait en un bail commercial dès que la Ville serait devenue propriétaire des anciens Thermes. Sachant que la Ville en est devenue propriétaire en 2012 mais qu'aucun bail n'a toujours pas été conclu. Sachant que, de fait, il n'existe plus aucune convention en cours de validité qui lie la Ville à la société ITCC et réciproquement. Sur quelles pièces vous fondez-vous pour réclamer à la société ITCC Peyrefitte un loyer de 10.900 euros au titre de l'année échue? (Par la même occasion pourriez vous demander à votre directeur départemental comment il a fait pour calculer les TF et CFE correspondantes)