On ne peut pas non plus écarter l’hypothèse que la « fuite » des mail échangés entre la mairie et un avocat aurait pu être organisée à dessein. Une hypothèse qui prend d’ailleurs tout son sens quand on apprend, de l’aveu même de la DRH, comment la fuite aurait été découverte. Selon la version officielle, une employée subalterne se serait rendue fin janvier dans le bureau dudit cadre, alors en congé pour quelques jours, afin de vérifier « s’il ne restait pas du travail à faire ». Cette employée modèle (une fonctionnaire qui cherche du boulot) serait tombée par hasard (?) sur une copie de ce mail laissée en évidence sur le bureau de son supérieur. Etonnant, non ? Imagine-t-on un cadre destinataire d’un mail « piraté » à son intention, abandonner une copie de ce mail en évidence sur son bureau avant de partir en congé pour plusieurs jours ? Cela ne fait pas très sérieux comme explication. Sauf si l’on admet que cette explication aurait été « inventée » après un épisode qui avait fortement contrarié le maire.
Dans son message à l’avocat, la DRH avait en effet relaté un épisode jusque là tenu secret, à savoir que le maire avait couvert un détournement de fonds publics. On comprend que Dord n’ait pas été ravi le jour où il a découvert que cette fâcheuse histoire, confirmée et colportée dans un document écrit par sa DRH, risquait de tomber en la possession de gens pas forcément bien disposés à son égard.
L'hypothèse, très vite écartée, d'une "taupe"
Comme on l’a évoqué plus haut, il existait deux hypothèses vraisemblables pour expliquer que la copie de mails échangés entre la DRH et un avocat se retrouve communiquée à des tiers le lendemain même de cet échange. Soit il y avait une « taupe » dans le proche entourage de la DRH. Soit il s’agissait d’une « fuite organisée », mais dans quel dessein ? Dans le climat de défiance qui régnait alors à la mairie, aucune de ces deux hypothèses n’était à l’avantage de la DRH. Il aurait donc fallu bâtir, laborieusement, une troisième hypothèse qui détournerait l’attention des vrais problèmes. Comme, par exemple, l’annonce, à grands renforts d’effets médiatiques, de la désormais fumeuse affaire de piratage informatique. Un piratage informatique que, de nombreux mois plus tard, rien n’est venu corroborer, en dépit d’une plainte au procureur et d’une enquête judiciaire menée par les fins limiers de la PJ.
Un document secret désormais dévoilé
Le seul élément matériel que la mairie pouvait avancer pour tenter de démontrer l'existence d'un piratage est une copie de ce mail échangé entre la mairie et un cabinet d'avocat. C'était peu et peu probant. En novembre dernier, la mairie a volontairement levé le secret qui protégeait ce courriel en le « publiant » dans le dossier d’accusation destiné à charger le cadre A devant la commission de discipline. C'est désormais un document qui a circulé entre de nombreuses mains et dont la teneur a été communiquée à des tiers, à savoir des élus, des mis en cause ou leurs défenseurs. Il n'y a plus de secret...
Voici donc le passage où la DRH évoque sans équivoque le détournement d’argent public, extrait du mail tel qu’il figure dans les pièces annexes d’un dossier de 150 pages dont des dizaines de personnes ont pu prendre connaissance :
Il est désormais de notoriété publique que le député-maire ex-UMP a décidé de couvrir différentes « malversations », littéralement des détournement de fonds publics, commises par des employés du centre nautique aixois et de ne pas sanctionner les coupables de tels agissements.
Des détournements de fonds publics non sanctionnés, des agissements répréhensibles couverts par un maire, voilà une information qui aurait dû soulever l’indignation et provoquer des réactions en chaîne, voire la démission de tous ces irresponsables.
De fait, quand on les reprend dans leur ordre chronologique, les évènements fournissent un autre éclairage sur l'affaire. Ainsi, le "piratage" des données informatiques aurait commencé en 2013 et se serait poursuivi en 2014, quasiment au vu et au su de tous, sans provoquer de réaction. Le maire en aurait été informé dès 2014, toujours sans réaction. Le 7 janvier 2015 un mail entre la mairie et un avocat aurait "fuité" de la direction des ressources humaines et toujours pas de réaction officielle. Le 30 janvier une employée proche de la DRH aurait trouvé (par hasard!!!) une copie de ce mail piraté sur le bureau d'un cadre en congé et l'affaire commençait à se mettre en place. Le 30 mars, le cadre, de retour de congé, était suspendu et expulsé de son bureau, quasi manu militari, par la police municipale. Et c'est seulement le 27 avril que AB était à son tour écarté de la mairie et suspendu. Avant d'être accusé d'avoir été "LE" pirate, celui qui allait porter sur le dos tous les pêchés de la mairie.
Dès lors, ne peut-on pas en déduire que tout cela n’aurait été qu’une opération à tiroirs, d'abord une "fuite" plus ou moins organisée d'un document compromettant, suivie, pour tenter de la justifier, d'une opération d’enfumage autour d'un prétendu piratage? C'est très séduisant.
Une conclusion désastreuse
Faute d’éléments probants justifiant l’existence d’un véritable piratage informatique de données confidentielles, il faudrait en arriver un jour à cette conclusion que les révoqués seraient des victimes expiatoires d’un système à bout se souffle. L’administration aixoise aurait-elle pu monter en épingle une banale histoire pour diriger l’attention ailleurs que sur ses propres turpitudes? C'est une hypothèse que l'on ne peut plus écarter. Voilà qui serait déjà affligeant s’il n’y avait, au-delà de cette mascarade, d’autres conséquences plus préjudiciables encore à terme. Ne serait-ce que ce sentiment de plus en plus partagé qu'AB a été poursuivi et révoqué davantage pour ce qu'il était que pour ce qu'on l'accusait d'avoir fait.
En attendant, au terme de cette prétendue affaire de piratage, une constatation va s'imposer, ceci dans la mesure où les deux seuls fonctionnaires qui sont actuellement révoqués (en attendant les recours) sont PS, le cadre A, et AB, l'agent de catégorie C.
Or, PS, c'est justement ce cadre qui avait révélé à Dord l'existence d'un détournement de fonds publics de plusieurs milliers d'euros au Centre nautique. Quant à AB, c'est l'agent qui avait signalé à Dord l'existence de fuites dans les services mettant en cause quelques uns des gens de confiance du maire.
Ce qui conduirait à cette conclusion: sous la responsabilité du député-maire LR (de rien) d'aucuns pourraient détourner de l'argent public sans crainte d'être sanctionnés tandis que d'autres encourraient la révocation pour avoir dénoncé ou mis à jour ces turpitudes.
Qui avait prévu un tel possible dénouement quand l'affaire du prétendu piratage informatique a éclaté en avril dernier?
Un vrai pire ratage!